L’opposition tire à boulets rouges sur le « manque de leadership » de la ministre des Transports, Geneviève Guilbault, au moment où les villes du Grand Montréal menacent Québec de faire bondir la taxe sur l’immatriculation afin de renflouer les coffres du transport en commun, qui traîne toujours un large déficit.

« Semaine après semaine, la CAQ ne cesse de faire la démonstration de son désintéressement total et de son manque de leadership en matière de transport collectif », a déploré lundi le député de Nelligan et critique libéral en transport, Monsef Derraji.

D’après lui, Québec a « complètement perdu le contrôle des finances publiques » et « veut maintenant faire porter l’odieux d’augmentations de taxes aux villes pour cacher son incompétence » en mobilité durable.

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Monsef Derraji

Plus tôt, lundi, La Presse rapportait que les maires du Grand Montréal ont récemment menacé Québec d’imposer jusqu’à 228 $ en taxe par auto sur tout le territoire métropolitain dès l’an prochain pour relancer les transports en commun. Ce scénario représente une hausse de 280 % de la taxe sur l’immatriculation.

Sans soutien additionnel du gouvernement, les villes n’excluent pas non plus des hausses tarifaires de 6 % pour les usagers du transport collectif, ainsi que des coupes de 65 millions en réduction de service. Un « report potentiel » de la mise en service des nouveaux segments du Réseau express métropolitain (REM), attendus à la fin 2024, permettrait par ailleurs d’économiser près de 60 millions, affirment les municipalités.

Vers un nouveau choc

Après les négociations corsées de l’an dernier, un nouveau choc sur le transport collectif semblait télégraphié encore cette année. Dès février, le cabinet de la ministre des Transports, Geneviève Guilbault, avait averti que le gouvernement devrait « être responsable et respecter la capacité de payer des Québécois », en fermant la porte à de nouvelles taxes.

Or, pendant ce temps, « le transport en commun fait face à un déficit monstre », évalué à 561 millions seulement dans le Grand Montréal, rappelle M. Derraji. « La ministre des Transports s’en lave les mains et suggère aux villes de piger directement dans les poches des contribuables. […] L’inaction gouvernementale a un coût et ce sont les citoyens qui devront encore payer », martèle-t-il.

Le critique péquiste en transports, Joël Arseneau, lui, craint que le gouvernement soit en train d’infliger « une spirale de la mort au transport collectif ». « Ce que je reproche surtout à la ministre, c’est de multiplier les bras de fer et de laisser l’impression à tout le monde qu’elle n’en a rien cirer du transport collectif, que la CAQ est un gouvernement du transport routier, du troisième lien et de l’auto solo », martèle-t-il.

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Joël Arseneau

Chez Québec solidaire, le député Etienne Grandmont, lui, estime que les maires et mairesses « se sentent abandonnés par la CAQ ». « Les échecs de la CAQ en transport en commun risquent de se traduire en coupures de service. Est-ce que la CAQ veut être le gouvernement des coupures en transport collectif ou celui de sa relance ? », questionne-t-il à ce sujet.

À l’Union des municipalités du Québec (UMQ), le président Martin Damphousse déplore que « le gouvernement se désengage dans le financement du transport collectif ». « Le milieu municipal sonne l’alarme depuis longtemps. La vitalité et le développement économique de chaque région du Québec dépendent d’une offre de transport collectif adéquate. Nous appelons à faire de cette vision une priorité nationale », dit celui qui est aussi le maire de Varennes.

Une rencontre cruciale

Au cabinet de la ministre Guilbault, on dit vouloir convoquer une rencontre avec les sociétés de transport d’ici la fin de la session parlementaire, « afin de poursuivre la discussion et trouver des sources d’optimisation pour mieux financer le transport en commun ». Ce rendez-vous sera aussi l’occasion de déterminer le montant octroyé à court terme, en 2025.

« À titre de gouvernement de proximité, avec des pouvoirs propres, les municipalités ont toute la latitude d’utiliser ces pouvoirs comme elles le souhaitent », a fait savoir l’entourage de la ministre au sujet de la possibilité d’une hausse de taxes.

Dans le budget du gouvernement déposé en mars, les sommes prévues sur 10 ans dans le Plan québécois des infrastructures (PQI) n’ont pas bougé pour les transports en commun, demeurant à 13,8 milliards. Le gouvernement a indiqué qu’il détaillera davantage ses engagements financiers une fois que les audits de performance dont font l’objet les organismes publics de transport collectif seraient publiés, d’ici septembre.

« On ne peut pas toujours injecter davantage d’argent sans s’assurer que ces [sommes] soient bien investies et qu’elles donnent les bons résultats », a de son côté plaidé lundi le ministre de l’Environnement, Benoit Charette, en réservant à son tour ses commentaires en raison des audits de performance.

Avec Mylène Crête et Philippe Teisceira-Lessard, La Presse

En savoir plus
  • 622 millions
    L’Association du transport urbain du Québec (ATUQ) a réclamé 622 millions au gouvernement pour 2025 « afin de préserver l’offre de service ». Dans le Grand Montréal, l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM) seulement aurait besoin d’une aide transitoire de 421 millions.