(Montréal) Dix mois après que Montréal a lancé une stratégie visant à revitaliser le quartier du Village, au centre-ville de Montréal, les membres de la communauté ont constaté des améliorations en matière de sécurité et de propreté locales, mais affirment que l’itinérance, la consommation de drogues et les problèmes de santé mentale persisteront tant que le Québec n’y alloue pas davantage de ressources.

Les tensions dans le Village ont atteint leur paroxysme l’été dernier lorsque plusieurs propriétaires de commerces ont décidé de fermer leurs aires de repos extérieures, invoquant la criminalité, les incivilités et les conditions insalubres du cœur commercial du quartier, la rue Sainte-Catherine.

Emily Yu, propriétaire de Yamato Dumpling, affirme que la situation est devenue si grave qu’elle a installé une sonnette pour contrôler l’entrée de son restaurant. Mais plus récemment, elle affirme que les clients ont remarqué des changements positifs dans le climat local.

« Ce sont des améliorations que nous avons vraiment constatées », a-t-elle expliqué vendredi, au Yamato Dumpling. Cependant, elle ajoute qu’il n’y a toujours pas eu suffisamment de progrès pour lui donner la confiance nécessaire afin de rouvrir les repas en plein air cet été.

Parmi les mesures de la Stratégie d’intervention collective pour le Village, on retrouve des investissements accrus dans les mesures de sécurité et les activités communautaires sur les places publiques du quartier, ainsi qu’une campagne de sensibilisation du public pour promouvoir la propreté.

Par ailleurs, la ville a déployé des médiateurs, une équipe de prévention des violences sexuelles et des spécialistes des relations interculturelles pour travailler avec les personnes vulnérables. La police a également augmenté sa présence dans le quartier.

« On a vu une nette différence assez rapidement », a déclaré vendredi Christian Généreux, porte-parole du groupe de défense J’aime mon Village, à propos de l’effet de ces mesures.

Il affirme cependant que la compétence municipale limite la capacité des autorités locales à relever les défis sanitaires et sociaux qui sont à l’origine des difficultés du village.

« La Ville est quand même un peu restreinte dans ses actions, a déclaré M. Généreux. Je pense qu’elle fait ce qu’elle doit faire pour aider la situation. »

Du soutien de la part de Québec demandé

Il souhaite désormais se tourner vers Québec afin de développer un effort plus global, en misant sur l’autorité gouvernementale en matière de santé, de services sociaux et de logement.

François Bergeron, directeur de l’association locale de services communautaires Corporation de développement communautaire du Centre-Sud, dit s’attendre à ce que les défis liés à l’itinérance submergent à nouveau le quartier pendant les mois les plus chauds en l’absence d’un engagement plus important de la part du gouvernement provincial.

« Je dirais qu’il y a du travail qui est fait sur les effets, mais il n’y a pas de travail qui est fait vraiment sur les causes profondes (comme l’accès) au logement, l’accès à des services de santé, a-t-il indiqué. C’est dans ce contexte-là que c’est un peu jovialiste de dire que l’été prochain ça va être plus beau, plus propre, plus plaisant. J’ai de la misère à être optimiste là-dessus. »

Dans un communiqué envoyé par courriel, un porte-parole du ministre québécois responsable des Services sociaux, Lionel Carmant, a déclaré que son bureau était « sensible » à la situation dans le Village et déterminé à répondre à ses besoins. Le communiqué souligne également les récents projets de logements supervisés pour les personnes sans-abri, ainsi qu’un investissement de 75 millions du gouvernement provincial pour lutter contre l’itinérance à Montréal et créer des centaines de places d’hébergement d’urgence.

La branche montréalaise du réseau québécois de la santé offre une aide supplémentaire par le biais d’équipes dédiées qui rencontrent les personnes sans logement et en crise, en plus de son soutien continu à plusieurs organismes communautaires, a indiqué le porte-parole.

Christian Généreux a décrit l’approche du gouvernement provincial comme fragmentaire et dispersée. « Les problèmes sont tellement complexes, a-t-il déclaré. Ça relève de tellement de ministères qu’il faudrait que tous ces ministères-là s’assoient ensemble pour trouver une solution globale et arrêter justement de travailler en silo. »

Pour l’instant, le noyau du village de la rue Sainte-Catherine est dans un état de « flux », affirme Tanner Tallon, membre de l’association citoyenne du Village mise sur pied par la Ville et qui sert de forum d’engagement citoyen.

« Le Village ne sera plus ce qu’il était il y a cinq ans. Il ne sera plus ce qu’il était il y a dix ans. La question est de savoir ce qu’il sera l’année prochaine et dans cinq ans, a-t-il affirmé vendredi. Il n’y a pas de lunettes roses. Les communautés, tout comme leurs citoyens, évoluent et grandissent constamment. »