Un ancien policier luttant contre le profilage trouve « irresponsables » les propos de la mairesse de Côte-des-Neiges–Notre-Dame-de-Grâce, Sue Montgomery. Celle-ci s’est dite jeudi « en colère » après la mort d’un homme noir tué par des policiers, alors qu’il était en état de crise.

« C’est contre-productif, puisqu’elle ne fait qu’aggraver la relation de confiance qu’on tente de bâtir entre la police et la communauté noire. Ça remet en question tous les efforts qu’on fait pour changer les choses », affirme Alain Babineau, ancien policier de la GRC aujourd’hui impliqué auprès du Centre de recherche-action sur les relations raciales (CRARR) à titre de conseiller principal.

Jeudi, dans un long texte publié sur sa page Facebook, la mairesse Montgomery avait notamment écrit que « la mort insensée de personnes racisées doit prendre fin », ajoutant que « le racisme systémique est indéniable » et qu’il est « présent au SPVM et dans toutes les sphères de notre société ».

« Mon cœur est brisé. Moi aussi, je suis en colère. Ce matin, un autre homme noir de notre communauté a été abattu par la police », avait insisté l’élue, en dressant un parallèle avec les morts d’Anthony Griffin, il y a plus de 30 ans, et de Nicholas Gibbs, en 2018. À son avis, la tragédie de jeudi va contribuer à « renforcer la méfiance envers la police ».

« Peu d’alternatives »

Pour Alain Babineau, cette déclaration est bien trop hâtive, surtout quand on s’attarde aux détails jusqu’ici connus dans cette affaire. Selon le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI), l’homme abattu était en crise et il aurait été en train de foncer vers des agents du SPVM un couteau à la main lorsqu’il a été atteint ; il a succombé à ses blessures plus tard, à l’hôpital. Il venait, semble-t-il, de se montrer menaçant envers un automobiliste.

J’ai toujours dénoncé le profilage racial systémique, mais dans des cas pareils, les patrouilleurs ont très peu d’alternatives pour réagir. On se doit de garder la tête froide avant de se prononcer.

Alain Babineau, conseiller principal auprès du Centre de recherche-action sur les relations raciales

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

Selon ce que le Bureau des enquêtes indépendantes a appris jusqu’ici, l’homme était en crise et il aurait été en train de foncer vers des agents du SPVM un couteau à la main lorsqu’il a été atteint ; il a succombé à ses blessures plus tard, à l’hôpital.

Il craint que l’intervention de la mairesse ne jette de l’huile sur le feu dans les semaines à venir. « Les policiers sont aussi des êtres humains, donc les accuser d’être meurtriers, c’est choquant et très dangereux. J’ai bien peur que plusieurs d’entre eux déconnectent ou haussent le ton si on continue comme ça. On se doit de garder la tête froide », dit M. Babineau.

Ses propos rejoignent en partie ceux du président de la Fraternité des policiers et policières de Montréal, Yves Francœur, qui a soutenu cette semaine que les déclarations de Sue Montgomery étaient « clairement indignes de sa fonction ».

« Les policiers et policières de Montréal ont l’obligation de neutraliser les menaces contre la vie des citoyens et citoyennes ou contre la leur. C’est malheureusement le cas même lorsque la personne qui fonce avec une arme sur les policiers ou sur le public est en crise. Un couteau n’est pas une arme banale », a martelé M. Francœur, dans un échange de courriels. « On a vu en France cette semaine les dommages que cette arme peut faire en peu de temps », a-t-il ajouté, en faisant référence à l’attentat qui a fait trois morts jeudi matin, à Nice, dans le sud de l’Hexagone.

Le cabinet de la mairesse Sue Montgomery, appelé à réagir à ce sujet samedi, n’a pas souhaité émettre davantage de commentaires sur cette affaire. Huit enquêteurs du BEI tenteront dans les prochains jours de déterminer les circonstances exactes de l’évènement, avec l’aide de la Sûreté du Québec à titre de corps de police de soutien.

— Avec La Presse Canadienne