On a beaucoup parlé du « nouveau » Denis Coderre. Mais étrangement, personne n’aborde la question de la « nouvelle » Valérie Plante.

Car, il faut bien se le dire, aucun politicien en vue ne peut émerger d’un mandat de quatre ans sans avoir été hautement transformé.

De celle qui cherchait ses repères en s’installant dans le fauteuil du maire en novembre 2017, il ne reste pas grand-chose. Valérie Plante est aujourd’hui une mairesse qui fait preuve d’une grande assurance et qui a une bonne connaissance de ses dossiers. C’est l’une de ses forces.

Si elle peut être évasive sur certains aspects lors des points de presse, elle ne donne jamais l’impression d’être prise au dépourvu. Chose certaine, quand elle ne détient pas toutes les clés d’un dossier, elle ne tente pas de jeter inutilement de la poudre aux yeux.

On a reproché à l’administration Plante (moi le premier) de mener des consultations bidon pour parvenir à ses fins. Souvenez-vous des sondages qui étaient menés sur le web avec des questions qui laissaient peu de place à la nuance.

La mairesse a appris qu’il ne fallait pas s’adonner à ce jeu-là avec les citoyens.

De même, elle a compris qu’il fallait parfois ramener à l’ordre certains élus de son parti qui voulaient faire les roitelets dans leur arrondissement. Elle a dû en payer le prix, celui de se faire accuser de centraliser les décisions et les pouvoirs autour d’elle.

Elle a essuyé les critiques de quelques élus et fait face à une crise marquée par le départ de certains d’entre eux (Christine Gosselin, Christian Arsenault).

Projet Montréal compte dans ses rangs plusieurs têtes fortes qui sont arrivées avec l’intention de changer les choses et de le faire rapidement. Valérie Plante a bien vu que bien des citoyens n’étaient pas prêts pour cette « révolution ». Elle a dû modérer l’ardeur des plus pressés.

Valérie Plante a été élue sur la base de 474 promesses. Celles-ci gravitaient essentiellement autour de l’amélioration de la mobilité, d’un élan économique, de la protection des cyclistes et des piétons, de même que de la rétention des familles.

Ses premières décisions ont conforté ceux qui avaient voté pour elle : l’abolition des calèches du Vieux-Montréal, l’annulation du contrat de la Formule E et la prise en main du réaménagement de la rue Sainte-Catherine.

Puis est arrivé l’hiver. Et la neige. Et la glace.

Trois mois après l’arrivée au pouvoir de Valérie Plante, La Presse a publié un sondage Ipsos qui montrait que la lune de miel était déjà terminée. La majorité des répondants (59 %) se disaient insatisfaits de sa gestion.

La hausse de taxes imposée lors de son premier budget (alors qu’elle avait promis qu’elle ne dépasserait pas l’inflation) et la qualité du déneigement écorchent son image.

Valérie Plante a brutalement découvert que séduire les citoyens était une chose, mais être à la hauteur de leurs attentes, même les plus primaires, en est une autre.

La mairesse a dû apprendre à soigner ses relations avec le Montréal inc. qui lui a tourné le dos à son arrivée. Elle a aussi constaté que la Fraternité des policiers de Montréal avait la réplique assassine et prompte.

La seule chose qu’elle a peu modifiée, c’est sa façon d’acculer au mur Ottawa et Québec pour justifier le retard dans certains dossiers, comme le logement social. Denis Coderre le lui reproche constamment, d’ailleurs.

Valérie Plante n’a pas changé sa façon de s’adresser aux journalistes et aux citoyens. Elle n’a pas changé de look. Elle a le même ton, le même rire, la même façon de commencer ses phrases par « j’ai envie de vous dire ». Mais elle a appris à devenir une véritable politicienne.

Ne voyez pas là un jugement négatif. Être politicien, c’est savoir mettre de l’eau dans son vin, c’est être capable d’écouter les citoyens dont on se passerait bien, c’est apprendre à travailler avec une opposition parfois juste, parfois revancharde.

Il y a eu des exclusions au sein de son parti, des critiques dures de l’opposition et de la presse. Face à ces tempêtes, Valérie Plante aurait pu faire la sourde oreille et tenter d’imposer son idéologie. Elle aurait pu également courber l’échine, se diversifier et perdre totalement son ADN.

Elle a préféré naviguer et avancer, ce qui fait dire aujourd’hui à bien des Montréalais : « Elle n’est pas parfaite, elle prend des décisions que je n’approuve pas, mais je pense que je vais quand même voter pour elle. »

Ça, je l’entends beaucoup depuis quelques semaines.

Si Valérie Plante est réélue, elle devra toutefois composer avec une opposition plus forte et plus critique que celle des quatre dernières années. Ça, j’en demeure convaincu.

Son prochain mandat, si mandat il y a, ne sera pas un long fleuve tranquille.

Je fais référence à l’aile de son parti située plus à gauche, autant chez ses élus que chez ses militants de l’ombre.

Si les têtes dirigeantes de Projet Montréal jouissent d’un appui qui frôle la vénération de la part de ses militants, il reste que plusieurs d’entre eux pensent que le parti a perdu de son mordant, notamment dans sa façon de s’attaquer aux problèmes criants du logement social, de l’itinérance et de la lutte contre les changements climatiques.

Ces voix, je les entends depuis quelques mois. Elles rejoignent les propos de Jonathan Durand Folco, professeur adjoint à l’École d’innovation sociale de l’Université Saint-Paul, qui souhaite qu’une « voix critique accompagne Projet Montréal ».

« Projet Montréal a une orientation écologiste, d’inclusion et de justice sociale. Mais c’est un parti qui pourrait aller beaucoup plus loin. Il a eu tendance à gouverner au centre pour trouver des compromis et pour ménager des forces diverses », m’a-t-il dit.

Jonathan Durand Folco fait partie des supporteurs de Projet Montréal qui, à l’instar de l’ancien maire du Plateau-Mont-Royal, Luc Ferrandez, jugent que Projet Montréal n’en fait pas assez en matière d’environnement.

Nous étions nombreux à considérer Projet Montréal comme le parti le plus à gauche que Montréal ait connu, mais voilà que des mouvements et des réseaux (comme Vague écologiste au municipal) sont en train de nous montrer que ce n’est pas tout à fait le cas.

Est-ce que Valérie Plante, dans le cas d’une réélection, continuera de répondre aux attentes de ces militants, tout en comblant le reste des Montréalais ?

Seule la « nouvelle » Valérie Plante le sait.

Débat de la CCMM

Le débat organisé par la Chambre de commerce du Montréal métropolitain (CCMM) a été civilisé, mais a offert quelques moments croustillants.

Le passage le plus corsé : Valérie Plante qui réplique à Denis Coderre au sujet d’un « problème de communication » qu’il évoque pour expliquer la déconfiture de la course de Formule E. La mairesse lui a crûment rappelé le rapport du Bureau de l’inspecteur général qui faisait état d’ingérence politique.

Le passage le plus coloré : Denis Coderre qui parle de l’Escouade de la mobilité mise sur pied par l’administration Plante. « Oui, on a une escouade de la mobilité, mais elle est pognée dans le trafic. »

Le passage le plus sidérant : Les deux candidats qui sont incapables de chiffrer leurs promesses.

Où était Denis Coderre ?

Depuis quelques jours, Denis Coderre aime à répéter que l’administration Plante « n’était pas là pendant trois ans et demi » et qu’elle se réveille « quelques mois » avant les élections. Il a tenu ces propos lorsqu’il s’est exprimé sur le sort des commerçants du centre-ville et il les a répétés lundi soir lors du débat de la CCMM.

Ces mots sont étonnants de la part de celui qui n’a pas voulu occuper le poste de chef de l’opposition (il aurait pu prendre le siège de sa colistière Chantal Rossi) pendant les quatre dernières années.