(Montréal) Si les organismes communautaires remarquent une augmentation de la violence conjugale depuis le début de la pandémie, ils craignent l’après-crise, qui pourrait engendrer plus de violence et surcharger leurs services.

Depuis un an, la pandémie de COVID-19 a créé une « tempête parfaite » pour les femmes en difficulté, résume Mélanie Thivierge présidente et directrice générale du Y des Femmes de Montréal.

Le confinement a forcé ces femmes à rester chez elles dans un environnement hostile, les refuges pour les accueillir ont dû fermer des places pour s’adapter aux directives sanitaires et les intervenantes qui sont en première ligne sont « épuisées », a indiqué Mme Thivierge en entrevue.

Louise Riendeau, coresponsable des dossiers politiques au Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale a expliqué que si les demandes d’hébergement n’explosent pas en ce moment, les femmes réclament « beaucoup plus » d’aide à distance.

Mais les deux organismes s’inquiètent davantage de la fin de la crise sanitaire, quand la vie normale reprendra tranquillement.

Mme Riendeau redoute une hausse des tentatives de meurtre et des homicides alors que les femmes auront de nouveau des contacts avec la vie extérieure.

Des conjoints qui vont avoir mis un contrôle absolu sur elles pendant toute la période de la pandémie, comment ils vont réagir au fait qu’elles reprennent leurs activités ? On voit que les homicides arrivent souvent quand les femmes tentent de mettre fin au contrôle, tentent de quitter un conjoint.

Louise Riendeau, coresponsable des dossiers politiques au Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale

Le pire pourrait être à venir, craint Mme Thivierge.

Les programmes d’aide gouvernementale vont venir à échéance, la relance économique n’avantagera peut-être pas tout le monde, et comme l’an dernier, il y aura une pénurie de logements abordables dans la métropole, souligne-t-elle.

Il y en a pour qui la crise va durer beaucoup plus longtemps. Je pense qu’il va y avoir des conséquences qu’on n’a pas encore mesurées.

Mélanie Thivierge, PDG du Y des Femmes de Montréal

Des besoins criants

Les deux organismes s’attendent également à ce qu’il y ait plus de demandes pour leurs services, alors qu’ils déjà ont peu de marge de manœuvre budgétaire.

« Il y a eu de l’argent qui est arrivé cette année dans les maisons, mais ça équivaut à peu près au quart des besoins qui sont estimés », a expliqué Louise Riendeau.

Une hausse de financement est nécessaire pour l’hébergement, les services à distance, mais aussi pour la prévention, qui est « tout aussi importante », plaide-t-elle.

Au Y des femmes, c’est d’ailleurs le programme de prévention qui a pâti de la crise sanitaire.

L’organisme avait l’habitude d’aller dans les écoles pour sensibiliser les jeunes sur l’exploitation sexuelle et la notion de consentement, entre autres. Mais avec la situation précaire dans le réseau scolaire, il a dû y renoncer.

Mme Thivierge dit que l’organisation est en train d’étudier comment elle pourrait adapter son programme « pour ne pas échapper cette génération-là ».